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25 janvier 2013 5 25 /01 /janvier /2013 18:29

C'est bien connu, le Grand Soir est pour demain matin. Pourtant il semblerait qu'une majorité de grosses feignasses (dont je fais partie) ait remisé ses idéaux de sale gauchiste pour se concentrer sur ses derniers lumbagos et le coût scandaleusement élevé du Polydent: ben oui, je vieillis, et d'avoir un couteau entre les dents en permanence ça fait sauter l'émail. Je n'aurai qu'à piéger mon râtelier quand on se sortira enfin les doigts du cul et qu'on pendra le dernier patron avec les tripes du dernier curé tout en dégustant du poulet assermenté braisé au taser.

Etrangement, la lutte des classes serait pourtant une réalité pour 64% des Français. Or, réalité ne veut pas forcément dire, dans la tête du tout-venant, une nécéssité. Disons qu'il semblerait que les gens se soient résignés.

Pour exemple je m'en vais vous narrer un brillant épisode ferroviaire. J'étais donc assise sur les trucs-à-bagages dans le transilien Mantes-Plage-Paris-Saint-Lazare tout en maudissant le couple d'affreux avec mômes qui du fait de leur activité reproductive s'arrogeait le droit de virer les gens pour être assis tous ensemble, eux et les créatures bruyantes et morveuses qui pouvaient très bien, grâce à leur petite taille (ceusse qui diront "comme toi" seront fouettéEs avec Der Kapital et insultéEs en allemand) être calés dans les porte-bagages au-dessus des sièges ou même sur les genoux de leurs géniteurs. Un peu comme dans Le Skylab où la pouffiasse fait chier le monde dans l'Eurostar parce qu'elle a une famille et qu'elle se sent, de fait, supérieure à tout le monde et qu'elle a des droits sur vous, la classe méprisée des non-parents.

Je m'étais donc retrouvée assise là entre deux sacs et les péquenauds debout faute de place, quand, jugeant sans doute notre situation de sales pauvres encore un peu trop confortable, quelqu'un (contrôleur, conducteur, voix magique je sais pas) a annoncé, je cite "les voyageurs montés à Mantes la Jolie disposant d'un Pass Navigo sont priés de regagner les wagons de seconde classe, les moches avec les sièges pelucheux à rayure où de toute façon il n'y a plus de place (il a pas dit ça comme ça mais vous avez compris l'idée) et de libérer la première classe". M'étant déjà fait virer d'un wagon de première où j'avais scandaleusement posé mon séant prolétarien sous le regard haineux des privilégiéEs que je venais envahir-ils s'attendaient limite à ce que je sorte un sandwich au saucisson et que je lise Paris Turf à voix haute-je SAIS ce qu'est la lutte des classes, au moins celle des trains: un insidieux rappel à l'ordre de ta condition de pauvre. De fait, tu viens de banlieue (et pas banlieue-Neuilly, non, Mantes-les-Bains c'est la banlieue-caca) ta place est avec les autres animaux: le wagon deuxième classe d'une antiquité roulante telles qu'on en trouve que sur le réseau transilien IDF (et éventuellement au Kosovo) présente de troublantes similitudes avec le wagon à bestiaux. L'été c'est pire.

Je m'attendais donc à une révolte populaire: mes corréligionnaires allaient sans doute trouver comme moi que c'était la fois de trop, foutre le feu au wagon et baisser le froc des contrôleurs en chantant El pueblo Unido Jamas Sera Vencido, ou Le Petit Bonhomme en Mousse pour les plus taquinEs. Que dalle.

Tout le monde a baissé la tête, la jeune fille debout en face de moi m'a souri tristement et a éteint la valise moche que je commençais à enflammer au briquet bic, et on a continué comme ça jusqu'à St Laz.

Lutte des Classes, et mon cul, c'est du teflon, comme dirait Nono le Petit Robot?

Les gens ont intégré leur infériorité sociale. Ils rouspètent vaguement quand on leur demande à eux, les pauvres, de se serrer la ceinture quand le gros Gégé se casse avec fracas dans un bled sémillant où se trouvent 18 camps de travail (le coin riant par excellence) quand on lui demande de participer à l'éducation et la santé de ses congénères en filant l'équivalent de son budget papier-cul annuel. 

Il en va de même pour la culture.

Quoique. 

A entendre les bourges de droite et les conservateurs, je n'apprends que des bonnes nouvelles: ainsi je serai UN étudiant bobo de gauche parisien. Ce qui fait de monsieur Ficus le partenaire gay d'un étudiant bobo de gauche parisien et non plus le mari-prolo d'une doctorante crevarde option gauchiste croupissant à Mantes-la-Moche faute de thune.

Je m'explique.

Lorsque j'étais rédactrice-stagiaire, certains sujets amenaient des commentaires vaseux du style "encore un truc écrit par UN étudiant bobo de gauche parisien qui n'y connait rien à la vie la vraie gna gna gna". De fait, l'accusation de boboïsme est ce que les conservateurs de droite ont trouvé de plus méprisant pour décrédibiliser les gens. En gros, vous défendez des valeurs humanistes parce que c'est facile pour vous, nous n'êtes pas au fait des réalités sociales, vous le faites pour vous donner un genre mais vous méprisez le peuple, le vrai.

Parce que, dans la tête de ces accusateur/trices, le fait d'avoir un minimum de culture s'apparente à des pratiques occultes germanoprantines excluantes. Notons aussi que pour ces gens seul un homme peut être cultivé. Or, ces mêmes personnes, qui se vantent de leur proximité avec la vermine populassière, sont souvent des riches qui assument d'être riches et n'aiment pas qu'on leur renvoie une image de dominant exploiteur, bien qu'ils/elles ne connaissent rien à la réalité sociale des classes qu'ils/elles font semblant de défendre pour décrédibiliser celles et ceux qui pourraient leur manifester de l'intérêt. Souvent, dans un but électoral: "vote pour moi, moi je suis pas comme ces gauchistes qui font semblant de te comprendre, je lis Closer et j'ai un bac moins 4, alors je te comprends". Parce que pour ces pseudo-défenseurs de la classe populaire, de NOTRE classe, on est forcément des débiles qui s'abrutissent devant NRJ12 et qui font des dessins pour remplir leurs fiches aux Assedic.

Il arrive aussi que certainEs gueuxEs s'en prennent aux gens qu'ils/elles jugent "bobo"(ou hipster pour ajouter l'infantilisation au mépris) parfois à tort, car fatiguéEs de leur condescendance ou d'une attitude de supériorité intellectuelle affichée. C'est aussi une réalité qu'il ne faut pas occulter, même si dans certains cas, elle peut paraître un peu simpliste. 

Cette accusation-outre la volonté tenace de classer les personnes-traduit tout simplement le mépris intrinsèque des classes dirigeantes sur les classes populaires: si vous êtes cultivéE, si vous savez aligner trois mots et que vous aimez Tracks, vous êtes forcément unE bourgeoisE de gauche, parce que les pauvres (les banlieusardEs, les précaires, les marginaux) n'ont ni accès à la culture ni la curiosité intellectuelle nécéssaire.

Monsieur Clerc, professeur à Nanterre-U, a eu lors d'un de ses TDs ce mot très juste: "les bourgeois de droite achètent les livres, les bourgeois de gauche les lisent. Allez chez mon cousin à Saint-Germain, il a l'intégrale de la Pléiade, y'a de la poussière dessus."

De nos jours, et après une période de stigmatisation de toute activité intellectuelle comme étant du snobisme avéré-pour mieux maintenir les masses passives, il ne faut surtout pas les inviter à réfléchir, donc montrer du doigt toute tentative culturelle comme étant de l'arrogance est le meilleur moyen de leur faire croire qu'on veut leur bien-les bourgeois de droite crachent comme il se doit sur les "élites". Ce qui est parfaitement hypocrite car dans une société ouvertement capitaliste et asservie à la spéculation et à la consommation, les "élites" deviennent celles et ceux qui sont à même de consommer le plus et de maintenir un système d'oppression de classe. L'urgence étant donc de décrédibiliser le plus possible celles et ceux qui dénonceraient cet état de fait.

Ficus-strip-02-BLOG.jpg

Un couple de bobos mantais aux prises avec leur quotidien de privilégiéEs.

Actualité oblige, le délit de boboïsme est brandi bien haut par les opposantEs au mariage pour tous, puisque la défense de la loi ne serait que le fait d'une poignée de bobos parisienNES: pour simplifier, être pédé ou être pédé-friendly, c'est tellement hype que touTEs les pro-égalités le font, sans autre motivation que d'être...hype. Bien sûr. (les lesbiennes n'existant pas bien entendu, ces gens ayant les yeux rivés sur le Marais qui selon eux est peuplé de folles tordues) Il n'y a donc pas de population ni de famille LGBT en province, en banlieue, ailleurs qu'à Paris. Allez dire au jeune homme qui s'est suicidé à quel point c'est tendance d'être pédé. D'étre stigmatiséE, violentéE, harceléE, criminaliséE, accuséE de terrorisme, de pédophilie, de zoophilie.

Dès lors, de par mon engagement LGBT (et parce que je suis la doyenne d'Etudions Gayment, un titre honorifique dont je suis très fière) je suis raviE d'être une "bobo parisienne". Après tout, j'ai eu qu'une seule fois les huissiers au derche, mon beau-père ouvrier retraité qui roule sur l'or (c'est bien connu les ouvrierEs se torchent avec des biftons de 50) finance mes études inutiles je ne suis qu'à une heure (30 minutes avec un train direct) de Paris dans une banlieue qui fait partie de ce qu'un journal de bobos qualifie de "France moche", je n'ai AUCUNE idée de ce que galérer veut dire, j'ai épousé un riche bobo-hipster (si, je suis désolée, il a une barbe et des fringues ironiquement moches, sauf que lui n'a pas encore bien saisi l'ironie de la chose mais passons) prolo qui gagne tellement de pognon qu'on rembourse encore le crédit de notre appart'rive gauche (ben si, on a vue sur les cheminées de Porcheville, on est à gauche de la Seine si on arrive par l'A13) et qu'à bac+8 je me paye le luxe de faire des stages pour tromper mon ennui, parce qu'épousseter mes lingots et compter mes stock-options ça va bien cinq minutes.

Je ne me fais PAS DU TOUT regarder de haut par mes corréligionnaires qui font leur compote eux-mêmes avec des fruits achetés au marché de Réaumur-Sébastopol, qui me demandent toujours d'un air désolé pourquoi je croupis dans ma station pyro-balnéaire alors que merde, je pourrai rouler en vélib' en écoutant Bénabar.

Je ne suis donc absolument pas au fait de la réalité de ces classes populaires qu'on voudrait bien endormies, abruties par une domination capitaliste hétéro-patriarcale blanche. De toutes façons, si d'aventure j'ouvrais ma gueule, je serai pas crédible: les banlieusardEs, ce sont de grands enfants qui fantasment sur le gros 4x4 qu'ils pourraient se payer en participant au Juste Prix. La majorité des classes populaires ne cherche plus à renverser la domination, mais à accéder à la classe dominante. La Française des Jeux enregistre une participation record, on pousse les gens à la possession frénétique de biens qui les rapprochent socialement des riches, on leur fait miroiter l'ascension sociale par la facilité: comment blâmer des gaminEs à qui on montre des jeunes à peine plus âgéEs qu'eux se faire du fric en faisant du rien dans les émissions pourries d'NRJ12, le grand cirque humain de la désincarnation de l'image (et de l'estime de soi) qui devient un échelon d'une échelle sociale moins chiante que le soudage à l'arc dans une usine d'où tu te feras dégager avec en guise de prime de départ un coup de pied au cul et des traites toujours plus nombreuses à payer? Et pourquoi s'emmerder à réfléchir quand celles et ceux qui ont réussi selon les critères sociaux du capitalisme clament haut et fort qu'ils/elles n'ont pas honte de faire des fautes de grammaire et ne lisent rien?

La culture n'est plus aujourd'hui, le lieu de la lutte des classes pour l'hégémonie. L'érudition (à quelque niveau que ce soit) n'étant plus un moyen d'élévation sociale concluant, a été délaissée, ce qui réjouit les classes dominantes: souvenez-vous, réfléchir, c'est déjà désobéir.

Alors on fait quoi? On-lutte-des-classes ou on se tripote? Perso, je suis un peu fatiguée...

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commentaires

F
@MIKL: J'ai une horrible influence sur toi en fait, sale crypto-nihiliste (ça m'excite quand t'es virulent comme ça)<br /> @Maréchal Pétain: Prolétaires de tous les pays, tripotez vous!!!<br /> @Joneskind: nous aussi on t'aime, on t'attends sur notre canapé prolétarien quand tu veux et promis on te dépouillera pas (même si nous sommes deux horribles talibanlieusardEs d'ultra-gauche<br /> conspirant avec la classe ouvrière ;p)
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M
Ha ouais ! Ha ouais ! Tout ça pour conclure que t'es fatiguée et que conséquemment tu te tripotes ! Ha ben bravo ! Gourgandine !
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J
Moi aussi je suis d'accord avec tout ce qui est dit. J'en ai d'ailleurs la triste illustration chaque jour à Calais, ville historiquement communiste, passée à droite avec un fort penchant pour la<br /> pute bleue sale. Y à plus que le café du Mynck qui soit encore un vrai rade de faucilles et de marteaux, et d'hameçons à morue parce que c'est une bar de pêcheur. Je ne fais pourtant pas partie de<br /> leur classe sociale, je ne suis pas à proprement parler un prolétaire, je suis né dans une famille plutôt aisée et je vis actuellement dans la grande maison bourgeoise de mes parents, à 34 ans,<br /> après 14 ans de vie "autonome" parce que ma femme est loin et j'en ai rien à foutre de posséder mon chez moi, d'être possédé par mon chez moi, et aussi sûrement parce qu'avec mon emploi précaire<br /> d'auto-entrepreneur et mes dettes d'Etat j'en ai de toute façon pas tellement les moyens. Pire encore, je suis ce qu'on peut appeler un Apple Fanboy, avec iPhone et MacBook Pro, parce que je suis<br /> infographiste et que j'en avais marre des virus Windows, et que Linux c'est pas sérieux pour travailler, et aussi parce que je trouve ça joli. Je suis donc probablement ce qu'on peut appeler ce que<br /> d'aucuns pourraient appeler un bobo hipster (la meilleure invention de la droite, pour que les gauchistes puissent se détester entre eux). Ça ne m'empêche pas de penser, ni d'agir avec les<br /> réfugiés, ou de balancer quelques tartes aux fachos que je croise, au risque de m'en prendre quelques unes bien salées.<br /> Bourgeois décadent de gauche, tendance hipstero-marxiste-anarco-snob, j'assume et je vous aime.
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M
D'accord avec tout ça!<br /> Mais, il y a quand même des fois où j'aimerais foutre le feu aux culs des Bobos, Hyppies, Ecolo, Végétariens, Végétaliens, Jeunes UMP à mèche à droite, Jeunes de droite "décomplexée",<br /> révolutionnaire en Converse, gauchiste croyant que la nouvelle révolution est celle d'Apple et de l'I-Phone 12...
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