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11 juin 2014 3 11 /06 /juin /2014 18:20

La Ficusphère inaugure les contributions extérieures avec un texte de Matthias (d'où le titre intelligent) (pour une fois) paru initialement sur FB et reproduit ici avec sa permission.

Minorités visibles, minorités nationales. Racisme systématisé, racisme intériorisé. Pour une convergence des luttes contre le racisme et la répression d'Etat

Le billet du Parti des Indigènes de la République (PIR) sur le vote FN et le racisme de la société française (http://indigenes-republique.fr/les-elections-europeennes-et-la-montee-du-fn-un-vote-de-race/) m'a poussé à quelques digressions partant du passage où il est dit que le racisme est le fondement des instutions et de l'idéologie de la France, et j'ai trouvé qu'il dommage que ça ne fût pas développé par la suite.

Pour combattre une idée, une idéologie, un fait social, il faut en avoir une idée précise: "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement" ai-je envie de dire. Et en France, j'ai l'impression que dans le fond, on n'arrive pas à définir exactement le racisme: à partir de quand? Envers qui ? Comment ? Pourquoi/dans quel but ?

Je ne compte pas nier l'existence d'une hyper-stigmatisation raciale des non-blancHEs ,mais la vision d'un groupe racial "blanc" à l'intérieur duquel il n'existerait pas de racisme me paraît non pertinent. L'invisibilisation de l'existence de ce racisme me paraît même dangereux puisqu'il produit un racisme d'autant plus réactionnaire, pernicieux et visible contre les populations non-blanches. La logique raciste déployée lors de la traite négrière et la colonisation ne me semblent "que" la systématisation et la reproduction à grande échelle de procédés utilisés lors du développement des états-nations européens.


L'étude des réalités nationales européennes infra-étatiques ne peut mener qu'à la conclusion de l'existence de stratégies et de politiques assimilationnistes qui ont consisté en la destruction de cultures entières, jusqu'à ancrer dans l'imaginaire collectif de ces peuples leur propre inexistence. Ceci comporte des éléments évidents de racisme tels que l'utilisation du dénigrement culturel puis de l'acculturation.

 On peut par exemple se focaliser sur l'existence de diverses cultures au sein des peuples gallo-romans (nord de la France) où le français comme seul dialecte s' est imposé par la force, et le dénigrement culturel avec l'opposition par les élites de dialectes qualifiés, dès la Renaissance, comme purs (par exemple le tourangeau), contre des dialectes "barbares" ou "archaïques", qualificatifs employés pour désigner le picard. De façon plus systématique, l'acculturation des peuples occitans dont l'apogée a été le XIXe siècle-avec notamment la contestation du fait qu'ils parlaient des langues propres- par la création des termes "patois" ou "régionalisme".

 

Ces logiques d'affirmation violente d'une culture colonisatrice sur d'autres au moyen de l'Etat-nation se retrouvent également au Royaume-Uni (guerre institutionnelle contre les identités celtes ou l'identité scot), en Espagne (Euskadi, Catalognes, Galice...), Italie (Vénitien, langues gallo-italiques) etc... Et elles se perpétuent aujourd'hui dans la contestation systématique de ces réalités culturelles nationales, leurs folklorisations, l'absence de leurs existences dans l'histoire du roman national (1), l'hostilité face à toutes traces de ces cultures (les accents, le vocabulaire ou la syntaxe provenant de leurs langues mais non conformes à la langue prédominante etc....) tant de critiques qu'on retrouve dans le traitement des populations immigrées.

Il est d'ailleurs à noter que le front national, et traditionnellement les partis d'extrême droite, est  en première ligne contre la reconnaissance de ces identités et leurs droits de minorités.(2)

La convergence des luttes est essentielle car ces cultures résistent, même inconsciemment. Mais dans cet état d'inconscience, elles se retrouvent paradoxalement dans une sorte de syndrome de Stockholm: la peur de la culture dominante de disparaître dans on ne sait quel "grand remplacement"(3) fait écho à leurs propres disparitions, et ne survivant pour l'instant qu'à l'intérieur de ces cultures dominantes, elles assimilent la peur virtuelle au risque réel. Ce repli sur soi est un mensonge et avant tout une posture suicidaire résultant des politiques séculaires racistes et assimilationnistes. Ne pas le prendre en compte c'est condamner ces cultures, soit des millions de gens, au repli sur soi et les People of Color à ne jamais trouver de place dans une société qui de toute façon n'en a pour personne.

Dans le sens de cette réflexion du racisme "des blancs contre d'autres blancs" j'aimerais également qu'on prenne en compte le fait qu'il existe tout aussi bien des politiques racistes envers des immigrées blancHEs, européennes ou non, intra-communautaires ou non. Et ceci même malgré leurs privilèges de blancHEs; il ne faut pas oublier que ces même logiques racistes se déploient contre ces migrantEs, en particulier venant de l'est. C'est le cas particulièrement en Suisse en ce qui concerne les immigréEs des Balkans ou au Royaume-Uni pour les polonaisEs par exemple. On a sans doute bien vite oublié le sort des immigréEs portugaisEs, espagnolEs ou italienNEs pendant les années 1920 et 1930 en France.(4)

 

(1) Lire au sujet du roman national et son utilisation idéologique: http://www.leshistoriensdegarde.fr/preuve-source/introduction/

2) A ce propos, pour plus d'éclaircissement: j'ai demandé  "tu parles des populations immigrées ou des identités régionales (basque, breton etc)? Parce que le FN et beaucoup de groupuscules sont au contraire hyper régionalistes et revendiquent la culture de leurs régions (qui serait menacée par l'immigration selon eux)"

Réponse: "
je parlais des deux en même temps.
Les partis d'extrême-droite sont regionalistes dans un sens très folklorisé et toujours intégré à la culture dominante. Après il existe des mouvements autonomistes/indépendantistes d'extrême-droite: si tu prends le fn, il est contre la ratification de la charte européenne des langues régionales et minoritaires. Il est même contre les régions d'ailleurs, il souhaiterait un système basé juste sur les départements. Les identités locales peuvent exister tant qu'elles sont faibles et solubles dans l'identité nationale.
Pour les autonomistes d'extrême-droite tu peux signaler que leur idéologie xénophobe est en réalité supérieure, et l'autonomisme/indépendantisme est un prétexte.  Exemple: la ligue du nord en Italie.

 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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commentaires

P
Ne serait pas important un moment de faire attention à ne pas parler de racisme à tout bout de champ (respirez un coup) dans le sens où le racisme fait référence à une idéologie particulière qui,<br /> bien qu'à connu une certaine évolution, est basé sur la domination de l'homme blanc (et de la femme blanche aussi...) bref xénohpobie, identitaire, et nationalisme ne sont pas du racisme à<br /> proprement parlé (ils se construisent parralélement, se renforcent...etc etc) mais au même titre que lier intrinséquement patriarcat et capitalisme (Trotsky sors de ma tête!!!) est une grosse<br /> erreur...<br /> <br /> Bref à part ça c'est très bien^^
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