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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 17:34

C'est le retour du "Pffff".

Pas le "pfffff je dois mettre un froc pour aller acheter des clopes", le "Pffff j'ai tellement serré les fesses que j'en ai chié des spaghettis vendredi soir" et le "Pffff j'en peux plus de ce tas de conneries consécutif."

J'avais prévu de parler de la Marche de la Dignité. J'avais un article tout prêt, même. Mais bon.

Quand ma-mère-de-substitution m'a appelée vendredi soir, j'étais -comme souvent- à la masse, ambiance une bière un dollirhume et au lit. On a rigolé nerveusement, on y croyait pas, c'est pas sensé arriver chez nous ce genre de trucs, et puis on savait pas encore pour Beyrouth, et puis au TrèsLoinistan et en Ailleursdie, ça pète tous les 4 matins, si on devait choper des crises de nerfs à chaque fois on trembloterait comme tous les hoteps de france et de navarre au départ de la course du plus intégré que le plus intégré de tes bambougnoules. Même au téléphone avec mon Grand Leader, on a fait des blagues, on a plaisanté, tout en suivant "en direct" le déroulé de l'horreur, tellement on a pas l'habitude de flipper autant.

Et puis la panique, la vraie, la grosse. Appeler ma sœur, faire le tour des amis, des connaissances, des proches, compter mes poussins comme une mère-poule (voire une mamie-poule), checker Facebook compulsivement, avoir les boyaux qui se relâchent au fur et à mesure que les noms défilent, avec la mention "en sécurité". Etre d'autant plus soulagée qu'au Liban, ils l'ont pas eu l'appli en question. Avoir des frayeurs quand quelqu'un donne pas de nouvelles, se redétendre du slip quand on finit par en avoir. Et puis être désemparée parce que des membres de La Famille ont perdu quelqu'un, des potes ont perdu quelqu'un, bref mesurer à quel point on a le cul bordé de nouilles et se demander comment font les Palestien-nes, les Congolai-ses, les Camerounais-es, les Lybien-nes, les Syrien-nes, les Nigerian-nes... comment font les gens chez qui le 13 novembre, c'est tous les jours, dans l'indifférence générale. Si c'était ça mon quotidien, je serais la première à dériver dans les eaux internationales avec ma bat-bouée, mes chats et mes valoches.(Monsieur Ficus est un bon nageur, il pousserait.)

Et puis, la vague de merde.

Vous vous souvenez peut-être en 2001, comment on se foutait de la gueule de Bush? Comment dire...

Le Charles de Gaulle déployé contre Daesh: on affaiblit le terrorisme où on le renforce? Par François Burgat.

Vos guerres, nos morts Par Julien Salingue

Raison Garder, Orient XXI

Et puis, les chiens sont lâchés. 

La peur, la colère et leur haine Par Crêpe Georgette. 

Voir un de mes petits choux qui a eu la peur de sa vie vendredi soir flipper de se faire ratonner, comme le gars à Pontivy. Voir des manifs de fafs anti-réfugié-es, des lois liberticides applaudies dans le plus grand des calmes, encore plus de toute puissance de la police.

Des incidents racistes ou islamophobes recensés depuis les attentats sur Buzzfeed.

La déchéance de nationalité pour lutter contre le terrorisme, vraiment? Par Gwen Fauchois

Supporter le racisme plus ou moins larvé d'abrutis qui trouvent de mauvais goût que des gens manifestent leur soutien à la Palestine (sachant qu'à Gaza entre deux bombardements, des Palestinien-nes ont pris le temps de se photographier avec des pancartes de soutien, écrites en français et en arabe, mais écrire en arabe c'est "une provocation" paraît-il...) 

C'est marrant ça, tout le monde trouve logique et normal que le monde entier soutienne la france, mais dès lors qu'on manifeste son soutien à d'autres pays, c'est caca.(1) A ce compte-là, on peut dire ce qu'on veut: vous avez pas affiché le drapeau du Yemen quand Daesh a massacré des étudiants? Vous êtes pour le terrorisme. Vous avez rien dit quand des kamikazes du même Daesh se sont fait exploser sur des marchés, dans des mosquées, dans plusieurs pays? Vous êtes pour le terrorisme. On va pas répéter une fois encore que plus de 80% des victimes de Daesh sont des musulman-es, que ce sont des musulman-es qui les combattent dans ces pays dont vous vous foutez. On va plutôt parler de votre bêtise. 

Penser face à l'horreur Par Saïd Bouamama

Les pelles à merde qui appellent à la désolidarisation fissa des musulman-es, c'est quel genre d'indécence? Des victimes parisiennes étaient musulman-es. Quand vous demandez la désolidarisation, vous présumez la solidarité, la complicité, la caution, l'implication, la responsabilité. En clair, vous accusez des gens qui ont peut-être eu peur pour leurs proches, qui en ont perdu, qui attendent dans les couloirs de l'hosto. Vous êtes des raclures. Vous êtes complices de la violence, des actes islamophobes qui se multiplient, du racisme. Pas de 'malgammes, hein? 

L'urgence de la dé-essentialisation: peut-on réduire les "musulmans" à la seule lecture du Coran? Par Joao Gabriell

"Pourvu que ce ne soit pas des musulmans" Par Ndella Paye

Parlons également de la neuneuserie généralisée. 

Attentats: ce n'est pas à "notre amour des libertés" que les djihadistes s'en prennent, Par François Burgat. 

Votre imagerie parisienne, là, qui exclut de fait les racisé-es,banlieusard-es et musulman-es, vous réalisez pas à quel point ça nous met de côté. Bientôt les mêmes connards qui nous accusaient de venir souiller la capitale avec nos mauvaises manières de racailles-de-banlieue, vont nous accuser de cautionner le terrorisme et de pas faire preuve de solidarité parce qu'on aura pas sauté en masse dans nos TER pourris pour venir boire des coups en terrasse. 

Ben non, vendredi soir on était pas trop occupé-es à faire la chenille et agiter des drapeaux algériens (sic), dans nos banlieues pas-charlie, on flippait comme tout le monde, parce que ouais, nous aussi des fois on sort "à la grande ville", on a des potes, de la famille là-bas. (2)

Le Pfff de lassitude devant la débilité d'éditorialistes, journalistes, chroniqueur-ses qui te débitent des "Paris c'est mater les femmes en jupe courte, boire du vin, la fête, le champagne gna gna gna...". Ah ouais, faut un attentat pour que vous admettiez que vous êtes des gros porcs qui harcèlent, bon début...(et encore, la minijupe le reste du temps quand on en met on est des salopes qui cherchent.) Matraquer que c'est pour ça que les terroristes ont frappé, et non pas s'interroger sur le fait que ce pays créée tellement d'exclusion que ses propres ressortissants en viennent à le haïr et à passer à l'acte de façon aussi violente. Continuez à faire la fête, si c'est votre moyen de surmonter votre chagrin (et personne ne vous blâmera pour ça) mais arrêtez avec vos "tout ce qu'on continuera à faire pour emmerder les terroristes" vu que 1)les terroristes en question s'en branlent que vous alliez partouser à République, veuillez vous réferer au lien précédent, 2) tout le monde a pas les moyens (géographiques, financiers, etc.) de "continuer à faire ceci ou cela". 

Quand Daesh frappe en Bougnoulie ou en Noiraudie, c'est aussi parce qu'ils en ont après le champagne, le rock et les terrasses? 

Pourquoi, si c'est le mode de vie occidental "dépravé" qui les chafouine, n'ont-ils pas frappé des pays encore plus "libérés", comme la Hollande, la Norvège, etc.? Canalisez votre ethnocentrisme. 

Le Pfff de chagrin quand des dirigeants africains font la queue pour soutenir la france et décrètent des jours de deuil nationaux, quand la france s'en bat la race de ce qu'il peut bien se passer chez eux, et qu'ils ne font rien pour leurs voisins ou leur pays...(nan parce que les milliers de morts au Nigéria en janvier, ou le génocide au Congo, ici on a entendu les criquets. Comme pour le berger tunisien.)  

Le Pfff de dégoût devant le drapeau français. Vous savez ce qu'il signifie pour nous? Et, au passage, l'attentat le plus violent à Paris avant le 13 novembre 2015, c'était le 17 octobre 1961, (200 morts) mais j'imagine que "attentat perpétré par sa propre police" ça faisait mauvais genre. J'en peux plus d'entendre la marseillaise tout le temps: 

Elle me fait horreur, votre Marseillaise de maintenant ! Elle est devenue un cantique d’État. Elle n’entraîne point des volontaires, elle mène des troupeaux. Ce n’est pas le tocsin sonné par le véritable enthousiasme, c’est le tintement de la cloche au cou des bestiaux.

Jules Vallès, L'Insurgé

Non, nous autres, on applaudira pas les flics qui nous agressent, nous humilient, nous harcèlent et nous tuent, et qui vont continuer en toute impunité. On a eu confirmation que même touché-es de près ou de loin par la douleur, on était pas invité-es à votre grande fête de départ en guerre. J'ai saisi des bribes d'un discours de Hollande (j'étais en train de faire trempette) qui disait, "la France se lève dès qu'un de ses enfants est à terre". Ben je devais me tirer les crottes de nez quand de nombreux enfants ont été tués, sur le sol français, par la police française, parce que j'ai vu personne se lever. Ce n'est pas déplacé de parler de ça. C'est le message qu'envoie quotidiennement la france à ses "banlieues", à ses noir-es et ses arabes, à ses musulman-es: vous n'êtes pas invité-es. Dès lors, on peut comprendre (et COMPRENDRE n'est pas EXCUSER ni MINORER, faites pas genre vous avez pas compris) que certain-es paumé-es se tournent vers des tarés fanatiques qui leur disent "vous êtes traités comme de la merde, rejoignez-nous". 

Ici, à quelques bornes de Paris, on sait ce que c'est, un couvre-feu, la BAC qui tourne, et tout le bazar. On a pas envie de revivre ça. Pas plus qu'on a envie de se faire regarder de traviole, bousculer, insulter, balancer (la délation, une tradition française). Je vais devoir produire un compte-rendu exhaustif de mes bitures parisiennes et mentionner que j'ai vu Eagles Of Death Metal en 2009 (à Rock en Seine) pour être d'office exemptée de vos suspicions malsaines?

Après l'horreur, double ration de nausée. Je suis pas prête pour des actes politiques parisiens (d'après ce que j'ai compris, finir à quatre pattes à Ménilmontant maintenant c'est un acte de résistance...Tout ce temps où avec le Gang on a fait de la politique et on le savait même pas.) parce qu'en dehors de ma zone charlie-free, odieusement multiculturelle, pleines de MUSULMAN-ES, je me sens moyen en sécurité. Et j'aurais jamais cru dire un jour que Mantes, c'est plus sécurisant qu'ailleurs. (En dehors des flics, des perquiz et des barrages.) 

Monsieur Ficus a fait un acte politique, lui (sans le savoir) (3). En rentrant de vacances, il est allé direct acheter son pain et raconter son petit périple à la boulangère voilée, puis il est allé faire coucou à la boucherie hallal, puis se faire tailler la barbe chez le coiffeur ISLAMISTE-tailleur-de-barbes-djihadistes. Il a peut-être pas bu une bière en terrasse à Paris, mais il a juste été sourire aux commerçants du quartier: il a affirmé que la haine avait pas tout à fait gagné. Et le soir quand on se goinfrait au resto indien, il a enfin reçu des nouvelles de son cousin qui était à République vendredi. On en est là: de la même façon que les gens ont tellement conscience de leur racisme que quand quelqu'un ne l'est pas, on veut lui offrir des fleurs (la dame interviewée par BFM), un glandu blanc de banlieue qui crache pas sur ses voisins en les soupçonnant d'accointances mahométanes forcément pro-terroristes devient un genre d'anomalie. 

(Et au fait, Malek Boutih, le Bataclan c'est aussi une salle de rap, on a pris nos billets pour Oxmo Puccino en mars, bisous.) 

 

Laissez-nous tranquille, nous réjouir pour nos proches qui s'en sont sortis, les soutenir quand ils ont perdu quelqu'un. Ne venez pas questionner notre chagrin, notre "position", ne venez pas nous demander de cautionner vos bombes. Ne venez pas nous gonfler avec vos conceptions biaisées de la "liberté". Foutez-nous la paix. C'est bien le moins que vous puissiez faire, pendant que vous êtes très occupés à foutre la guerre. 

 

Il y avait des gens de police parmi les agresseurs, mais ils n’avaient pas eu à donner le signal. Il leur suffisait de suivre la fureur publique et de choisir alors, dans le tas,(...) Et voilà que c’est sur les talons des soldats qu’elle marche à présent, cette foule ! (...) On dirait une fête de la Haute, une cérémonie de gala, un Te Deum à Notre-Dame ; il flotte dans l’air un parfum de veloutine et de gardénia. Rien ne dénote l’émotion et la crainte qui doivent tordre les cœurs quand on annonce que la patrie va tirer l'épée.

Jules Vallès, L'Insurgé

 

 

 

Edit: Une pensée pour Yola au Nigeria. 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1) C'est le même processus qui réfute toute interrogation et réflexion quand ça se passe "chez nous", et qui parallèlement appelle à la "rationnalisation" et nous fait des numéros de hoola-hoop intellectuel pour justifier l'indifférence quand ça se passe "ailleurs" ou que des non-blanc-hes sont concernéEs. 

(2) Un mensonge de l'extrême-droite, diffusé sur les rézosociaux, qui parlait de "scènes de liesse dans le 93,94 et 95. "(oui nous on est a priori pas inclus-es mais faut savoir que pour une grande majorité de gens, Mantes la Jolie c'est le 9-3...) (en plus de l'Arabie Saoudite, coucou Philippe Esnol)

(3) La personne étant barbue et d'origine belge (comme certains des terroristes identifiés) je compte la dénoncer incessement sous peu, et faire acte de patriotisme. (En vrai je veux m'en débarasser parce que c'est juste pas possible de vivre avec quelqu'un qui chante la chanson de la Reine des Neiges après le coït.) 

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